Dans les Vosges, cet art du Moyen Âge subsiste

Dans les Vosges, cet art du Moyen Âge subsiste

Dans ce coin de l’Est de la France perdu aux frontières de la Lorraine et de l’Alsace, survit une tradition datant du Moyen Âge : le soufflage du verre.  C’est le berceau des célèbres marques Lalique, Saint-Louis et Miesenthal. Une escapade inédite au grand art (et au grand air) des forêts et des villages vosgiens.

11

Lalique, la grâce à l’état brut qui sublime les Vosges

C’est à Wingen-sur-Moder, village situé à l’extrême ouest de l’Alsace, que s’épanouit le cristal René Lalique. Depuis 1921, on y fabrique vases, verres, flacons et objets décoratifs. Un musée splendide rend hommage à ces créations.

Entrée du musée Lalique Philippe Bourget ©

Ce voyage artistique autour du verre soufflé va débuter dans cette bourgade nichée dans la forêt vosgienne. Même si l’on est toujours en Alsace, les belles maisons fleuries de la plaine ont fait place à des résidences plus quelconques. Signe qu’ici, la beauté s’affiche d’abord dans les usines avant d’être exposée dans la rue… Pour Lalique, tout commence dans une ancienne verrerie du 18ème s. C’est là que René Lalique, déjà connu à Paris pour ses créations de bijoux et de parfums, décide en 1921 d’installer un atelier. L’homme qui a fait carrière dans la capitale ne choisit pas les Vosges par hasard. Il sait qu’existe ici un savoir-faire hérité du Moyen Âge, qui veut que chacun ou presque sait souffler et tailler le verre. Cet art-artisanat s’est développé grâce à deux ressources locales essentielles : le bois, pour chauffer les fours, et le sable, pour fabriquer le verre.

A l’intérieur du musée Philippe Bourget ©

Musée signé Jean-Michel Wilmotte

L’atelier Lalique restera un temps dans ces locaux, avant de migrer dans un site voisin, toujours en activité. L’antique verrerie aurait pu sombrer dans l’oubli si elle n’avait pas fait l’objet d’un projet architectural visant à la restaurer. Objectif : créer un musée « à la gloire » de Lalique, qui présente la saga de la marque et ses créations les plus emblématiques. Ce fut chose faite en 2011, et pas par n’importe quel architecte : le français Jean-Michel Wilmotte, boulimique de la création bâtisseuse et, pour mémoire, passé dans sa jeunesse par l’école d’architecture Saint-Luc, à Tournai. La découverte de ce musée, avec ses collections permanentes et ses expositions temporaires, plonge le visiteur dans l’aventure iconique de la marque… et dans des rêves de beauté absolue.

Objets de la collection Lalique Philippe Bourget ©
Philippe Bourget ©

Plus de 650 œuvres

Vases, verres, flacons, objets décoratifs… la finesse et la qualité des créations Lalique, passées du verre au cristal en 1945, sont uniques. Le musée présente plus de 650 œuvres. Organisées de façon thématique et chronologique, elles offrent un panorama complet des créations, des bijoux Art nouveau au cristal actuel en passant par le verre Art Déco. On y rappelle l’importance de l’Exposition Universelle de 1900, qui consacra à Paris René Lalique en tant que bijoutier. On y découvre l’apport de sa fille Suzanne, qui l’aida à dessiner des objets décoratifs, avant de devenir créatrice de décors de théâtre et de costumes. On y comprend les orientations de sa petite-fille Marie-Claude, soucieuse de combiner la tradition familiale et les modes de son époque quand  elle reprend les rênes de l’entreprise en 1977.

Le château Hochberg by Lalique Philippe Bourget

Château Hochberg by Lalique

La fabrique actuelle, la seule au monde d’une marque rachetée en 2008 par un groupe suisse, est installée à l’autre bout du village. Elle ne se visite pas, c’est bien dommage. Mais un film projeté à la fin du musée dévoile l’univers des souffleurs qui font la légende de Lalique. Une griffe du luxe connue pour son iconique vase Bacchantes et ses verres décoratifs incolores. Le musée abrite aussi un restaurant et, en face, l’hôtel Château Hochberg by Lalique, idéal pour passer la nuit.

Saint-Louis, l’art verrier d’exception en Moselle

En Moselle, Saint-Louis-les-Bitche, à 11 km de Wingen-sur-Moder, abrite depuis 1586 cette entreprise d’art verrier d’exception. Le public découvre non seulement un musée mais surtout un atelier où perdure la technique « soufflé bouche, taillé main ». Fascinant.

Pour voir souffler le verre en vrai, il faut aller en Moselle. A Saint-Louis-les-Bitche, village enclavé dans une vallée forestière voisine, le visiteur est accueilli au cœur de la manufacture Saint-Louis. Ici, cela fait 430 ans qu’on souffle le verre puis le cristal à la bouche, et qu’on le taille à la main. Autant dire que les ouvriers ont une « petite » expérience en la matière… Le virage du luxe s’est opéré au 18ème s. En 1767, Louis XV adoube la manufacture en la déclarant « verrerie royale ». Celle qui s’appelait alors Verrerie de Müntzhal devient… Saint-Louis, en l’honneur du roi. Plus tard, elle prendra le nom de Cristallerie Royale de Saint-Louis, après qu’elle soit passée du verre au cristal.

Taille du verre dans l’atelier du froid Philippe Bourget

2 000 œuvres au musée

Au programme de la visite, combinant musée et atelier : rien que de l’émerveillement ! Dans le musée (nommé La Grande Place), conçu comme un parcours en élévation sous un lustre géant (en cristal, of course !), on découvre derrière des vitrines la panoplie entière des créations de la marque. Les verres de table modèle Trianon, les verres Chambord, le vase Versailles… Au total, 2 000 œuvres, sur quatre siècles de production. La visite est complétée par des vidéos et des expositions temporaires, au dernier étage.

Collection Saint-Louis Philippe Bourget

Pâte rouge à 1 200° C

Le summum de la visite est bien sûr la découverte de l’atelier. Il est accessible en visite accompagnée chaque lundi, mercredi, jeudi et vendredi, à 11h, sur réservation. La chaleur qui saisit à l’entrée du hall de soufflage est étouffante. Admiration pour les ouvriers du « chaud », qui travaillent le cristal (du verre mélangé à de l’oxyde de plomb) en 3×8 dans un atelier ardent et bruyant. Fascination pour la pâte rouge à 1 200° C sortie des fours, soufflée puis assemblée pour former des verres de haute qualité. Enchantement dans l’atelier des presse-papiers, où des orfèvres sculptent des merveilles de boules de cristal. Eblouissement au « verre froid », où des mains expertes taillent, polissent et gravent à main levée (un doigté exceptionnel) vases, lustres et verres. Curiosité à l’atelier des luminaires, où l’on emballe des lustres pour des clients prestigieux (riches particuliers, hôtels de luxe…).

L’atelier du chaud Philippe Bourget ©

80% de la production exportée

Si on travaille nuit et jour au « chaud », c’est que la crise du Covid-19 n’a semble t-il pas impacté les commandes. Pierre Nierengarten, notre guide de visite, est un ancien salarié de Saint-Louis. Aujourd’hui à la retraite, il a travaillé 40 ans dans l’entreprise. Le caractère pudique lorrain le retient un peu mais on devine sa fierté de nous annoncer que l’entreprise recrute des ouvriers spécialisés et exporte 80% de sa production. Beaucoup de commandes proviennent du Moyen-Orient, notamment des émirats. Propriété entière du groupe Hermès depuis 1989, Saint-Louis est une marque du luxe qui prospère au plus profond d’une région rurale.

L’atelier du chaud Philippe Bourget

Miesenthal et ses fameuses boules de Noël

Egalement en Moselle, cette petite ville a longtemps fait sienne la fabrication du verre. Jusqu’à la fin des années 1960 et l’arrêt de l’activité… Relancé depuis 30 ans, le site a retrouvé des couleurs et affiche à nouveau ses créations, dont les célèbres boules de Noël.

A Miesenthal, la tradition ne s’incarne pas dans le cristal mais dans le verre. Et quel verre ! Fondée en 1704, la verrerie de Miesenthal a connu une aventure industrielle exceptionnelle. A la fin du 18ème s., elle est propulsée sur le devant de la scène grâce à Emile Gallé, leader de l’Ecole d’Art de Nancy. Avec les verriers locaux, il entreprend des recherches qui se concluent par l’invention d’un objet décoratif inédit. Ainsi nait le verre Art Nouveau, dont Miesenthal peut s’enorgueillir d’être le berceau. Juste après la 1ère Guerre mondiale, la verrerie recense jusqu’à 650 employés, attachés à produire à la main des objets de la vie courante, en verre soufflé et pressé (arts de la table, plats…). Las, après le conflit 39-45, arrive la concurrence des ateliers mécanisés. Malgré plus de 4 millions de pièces sorties des fours dans les années 1960, Miesenthal souffre. C’est la fin du premier chapitre de son histoire. Le 31 décembre 1969, la sirène sonne pour la dernière fois dans l’atelier, laissant 230 salariés sur le carreau…

Verre sorti du four à Miesenthal Philippe Bourget ©

Rallumage d’un four en 1992

Des énergies locales vont ensuite se fédérer pour tenter de lui offrir une seconde chance. En dépit d’une usine démantelée et de la perte de 8 000 moules en métal, des amoureux du patrimoine local organisent une première exposition en 1978. C’est le prélude à la création du Musée du verre et du cristal, qui verra le jour en 1983. S’ensuit, en 1992, le rallumage d’un four, grâce à une structure de valorisation du site, le Centre International d’Art Verrier. En parallèle, la halle verrière, dédiée par le passé au soufflage du verre, devient un lieu culturel, avec des concerts et des expositions. L’ensemble de ce travail débouche en 2011 sur un projet architectural d’harmonisation et de réhabilitation général du site. Dix ans plus tard, le lieu se présente sous sa (nouvelle) mouture, quasi définitive. Au menu de la visite : un bâtiment d’accueil-boutique tout neuf ; une halle verrière réaménagée ; un Centre International d’Art Verrier agrandi, où l’on peut voir les souffleurs à l’œuvre. L’ensemble des bâtiments est lié par une « onde » de béton, la signature architecturale du site. Le projet sera totalement abouti lorsque rouvrira, normalement au printemps 2022, le Musée du verre et du cristal rénové.

Guy Rebmeister

30 000 visiteurs avant Noël !

Aujourd’hui, le Site Verrier de Miesenthal, 25 salariés et 60 000 visiteurs par an avant la pandémie, a ravivé la mémoire ouvrière d’un village d’à peine 700 habitants. Il a surtout remis au goût du jour ce qui avait fait aussi la force du lieu : la fabrication des boules de Noël et d’objets décoratifs en verre pour les fêtes. Chaque année entre le 11 novembre et le 31 décembre, près de 30 000 personnes se ruent dans le village pour acheter les fameuses boules (en 2021, la vedette est PIAF, nouvelle création sur une idée naturaliste). Une vraie passion locale, du même ordre que celle pour les santons de Noël en Provence. A partager sans délai à la boutique du site !

Au grand air des denses forêts vosgiennes

L’immersion dans l’univers du verre et du cristal conduit à parcourir les bois et les vallées vosgiennes. Entre Alsace et Lorraine, villages de charme, châteaux et randonnées complètent avec bonheur la découverte de cet art séculaire.

Si l’alibi artistique est sans conteste le déclencheur d’une escapade dans cette contrée, il ne faut pas oublier la nature et la culture. A moins d’une heure de route de Strasbourg, on oublie vite les iconiques maisons à colombages des villages alsaciens pour pénétrer la profonde forêt vosgienne, culminant ici à 581 m (le Grand Wintersberg). Un prétexte idéal à des randonnées, nombreuses à être proposées (et balisées) dans ce territoire qui est aussi celui du Parc naturel régional des Vosges du Nord. Véritable bouffée d’oxygène, ce parc de 128 000 ha, dont deux tiers de forêts, est parcouru de sentiers qui totalisent 2 600 km. Un poumon vert pour la marche à pied, en toutes saisons. Avec en prime 40 châteaux, 28 musées et 5 ouvrages majeurs de la ligne Maginot, il s’affiche comme une originale destination de week-end.

Les Maisons des Rochers, à Grauthal Philippe Bourget ©

Château-éperon de Lichtenberg

Un exemple ? Le château-éperon de Lichtenberg. Datant du 13ème s., il ne reste d’origine que les murs et les fondations, en grès rose des Vosges. Occupé par les soldats sous Louis XIV, puis poste de défense face au Saint-Empire germanique, il est détruit par les Prussiens en 1870. Ruiné, il a été restauré dans les années 1990 avec un parti pris osé : les bases médiévales servent d’assise à des éléments de construction contemporains, parmi lesquels l’excroissance inédite formée par… une tribune de théâtre en forme de conque ! Depuis la tour sommitale du château, devenu lieu culturel et touristique, la vue sur le village et les moutonnements forestiers des Vosges est splendide. Un autre lieu est dans la même veine : le château de La Petite-Pierre. Il trône aux abords de ce village touristique connu pour être un lieu de villégiature des habitants de la plaine alsacienne, grâce à ses nombreux hôtels.

Château de Lichtenberg Philippe Bourget ©

Maisons troglodytes de Grauthal

Parmi les autres éléments singuliers du patrimoine local, il faut citer la citadelle de Bitche. Initialement bâtie sous les ordres de Vauban, entre 1680 et 1683, cette forteresse bastionnée à été rebâtie entre 1740 et 1754. Nous avons aussi un faible pour les maisons troglodytes des Rochers, à Grauthal. Trois habitations pittoresques (et restaurées) plaquées sous une falaise de grès rose, témoins de la vie au village aux siècles passés. L’une d’elles se visite et fut même habitée jusqu’en 1958 par une femme. A l’intérieur, les anciennes étables  sont repérables au fait que les murs ne sont pas recouverts d’enduits. Les 1ers étages étaient en général réservés aux enfants et au stockage des fourrages. Savoir-faire verrier, nature et terroirs sont donc trois excellentes raisons de visiter ce territoire du nord-est de la France.

Vue de Lichtenberg depuis le château Philippe Bourget ©

✨ Plongez dans notre sélection exclusive de locations de vacances, circuits, séjours, croisières, clubs et hotels en Belgique et aux quatre coins du globe ! 🌍 Que vous partiez à l'aventure en solo, en escapade romantique, en vacances en famille ou pour un périple entre amis, notre offre sur-mesure saura rendre chaque moment de votre voyage absolument inoubliable. 💖 N'attendez plus, explorez dès maintenant notre espace dédié aux voyages et préparez-vous à vivre des vacances extraordinaires !